Chamber Music Europe Biennale 2019 – Mieczyslaw Weinberg, The Composer
Mieczyslaw Weinberg, né à Varsovie en 1919, est l’un des compositeurs majeurs du XXème siècle.
L’histoire de sa vie est marquée par les drames qui ont secoué l’Europe au milieu du XXème siècle. Mieczyslaw Weinberg quitte la Pologne en 1939, et après des étapes à Minsk puis Tachkent, il s’installe à Moscou en 1943, ville où il séjourne jusqu’à son décès en 1996. Je laisse aux biographes et musicologues compétents, dans un esprit de rigueur qui leur est propre, poursuivre l’exégèse de la vie et de l’œuvre de ce grand compositeur polonais. La réputation de Weinberg n’atteint une dimension planétaire du reste grandissante qu’après sa mort, mais une poignée de visionnaires occidentaux tels Danuta Gwizdalanka en Pologne, mais aussi Per Skans, David Fanning, Tommy Persson, Martin Anderson, Robert Reilly ou encore Frans Lemaire en Belgique revendiquaient déjà l’immensité de l’œuvre de ce brillant pianiste et compositeur qui, dès son plus jeune âge, partageait avec son père les charges de musicien dans un théâtre juif à Varsovie. En 2010, la première version scénique de son Opéra « La Passagère » à Bregenz installera définitivement l’importance de Weinberg en Europe occidentale et au-delà.
Les musiciens, chefs d’orchestre et cinéastes de son pays d’adoption n’ont pas attendu la fin des purges staliniennes pour lui témoigner leur estime, et l’œuvre de Weinberg se développe tout au long de sa vie, malgré l’ostracisme d’un système ou l’Art valait pour propagande – se référer au livre de Frank Westermann, « Ingenieurs van de ziel » (NL : Singel Uitgeverijen – FR : Christian Bourgois). Pourtant Weinberg, par ses origines et sa liberté créatrice, ne pouvait être considéré comme le parangon du compositeur soviétique !
Quelques faits démontrent la présence soutenue de Weinberg sur la scène artistique russe : parmi les musiques de film qui lui ont été confiées celles de « Quand passent les cigognes » de Mikhaïl Kalatozov en 1957 – Palme d’or à Cannes en 1958 – et la version russe de « Winnie the Pooh » en 1969.
La musique de Weinberg fut créée par les plus grands artistes russes dès 1943 – Emil Gilels, David Oïstrakh, Leonid Kogan, Mstislav Rostropovitch…
Weinberg était également un brillant pianiste, et il créa certaines de ses sonates pour cordes avec les dédicataires, ainsi que les « Sept Romances sur des poèmes de Blok » de son très proche ami Dimitri Chostakovitch.
Ma découverte de la musique de Weinberg remonte aux années 1993. Avec le Quatuor Danel que j’ai formé en 1989 avec mon frère Marc et ma sœur Juliette, nous venions d’achever la préparation des 15 quatuors de Chostakovitch, accompagnés par le Quatuor Borodine, Fiodor Droujinine, altiste du Quatuor Beethoven, et le compositeur polonais Krzysztof Meyer. Ce temps dédié à l’œuvre de Chostakovitch nous a permis la rencontre avec des proches de Chostakovitch et plusieurs d’entre eux nous ont incité à travailler la musique de Weinberg : Mme Irina Chostakovitch, Valentin Berlinsky, violoncelliste du Quatuor Borodine, Alexander Raskatov, alors tout jeune compositeur installé à Heidelberg, et enfin le très érudit musicologue belge Frans Lemaire, connu pour ses travaux sur la musique soviétique et la musique juive.
Pour l’anecdote, nous étions présents lors de la première rencontre entre les responsables la maison d’édition Peer Music et Olga Reznitskaya, seconde épouse de Weinberg.
L’enregistrement de ses 17 quatuors, dont certains ont été créés par nous, reste l’une des aventures les plus précieuses de mon expérience professionnelle.
Je me réjouis de constater l’intérêt grandissant des publics pour la musique de Weinberg. A Bregenz, Victoria Bishops, sa fille, évoquait les doutes de son père quelques semaines avant sa mort sur l’accueil que recevrait sa musique. Il n’est jamais trop tard pour que justice lui soit rendue.
La première biennale de Chamber Music for Europe lui est dédiée, et je remercie tous ceux qui participent à la mise en place de cet évènement, et qui feront de cet hommage une fête.
Guy Danel